UN GUIDE PAS À PAS POUR LUTTER CONTRE CE RAVAGEUR
Depuis l'entrée sur scène des aleurodes (l'aleurode des serres [Trialeurodes vaporariorum] en particulier et l'aleurode du tabac [Bemisia tabaci ]) dans les années 1970, ils sont devenu un sérieux défi. La résistance progressive aux pesticides a poussé les chercheurs à se pencher sur la recherche de multiples méthodes de biocontrôle visant à limiter les infestations majeures. Ce passage des approches conventionnelles axées sur les pesticides vers des stratégies de lutte antiparasitaire intégrée (LAI) s'appuyant sur la biologie a mis en évidence la nécessité, dans de nombreux cas, de mener le combat sur plusieurs fronts.
Les aleurodes apprécient divers types de cultures, notamment la tomate, le gerbera, le rosier, le poinsettia, l'aubergine, le poivron, le concombre et, plus rarement, le cannabis. Les acariens prédateurs, les guêpes parasitoïdes, les champignons entomopathogènes et les pièges collants en plaques ou en ruban sont tous des outils indispensables à une stratégie de LAI adaptée à ces cultures. Leur utilisation permet de faire appel à divers mécanismes pour cibler les différents stades biologiques de l'aleurode.
Pourquoi ai-je besoin d'employer plusieurs agents de biocontrôle à la fois contre les aleurodes? Alors que les produits chimiques agissent généralement sur plusieurs stades de développement d'un ravageur, la plupart des agents de biocontrôle ciblent des stades bien précis. En conséquence, on doit recourir à plusieurs outils pour interrompre le cycle biologique et réduire la pression des ravageurs.
Dans cet article, nous allons nous plonger plus profondément dans le monde des aleurodes tout en dévoilant les auxiliaires de culture les plus efficaces sur les différentes cultures, car on doit adopter des stratégies distinctes en fonction de l'espèce d'aleurode.
- Par exemple, les acariens prédateurs donnent des résultats peu probants sur les tomates en raison des quantités plus importantes de résine végétale, mais ils constituent d'excellents auxiliaires pour la plupart des autres cultures.
Notre objectif est de vous fournir des informations précieuses avec des conseils et des astuces pour optimiser votre stratégie de lutte antiparasitaire.
Y a-t-il même des aleurodes dans votre culture?
Dépistage
La première et la plus importante étape d'une approche réussie à la lutte antiparasitaire intégrée comporte:
- l'utilisation de 10 à 50 pièges collants par hectare ou de 4 pièges collants par compartiment, avec un comptage hebdomadaire.
- un dépistage régulier des plantes, en anticipant les tendances constatées au cours des années précédentes, afin d'assurer un traitement proactif.
- l'introduction de parasitoïdes dès les premiers signes d'aleurodes sur les pièges de dépistage, en répétant le traitement toutes les semaines ou toutes les deux semaines jusqu'à ce que le taux de parasitisme atteigne 80 %.
Important: vous trouverez les premiers aleurodes sur les pièges collants des semaines ou des mois avant de les apercevoir sur la culture. En installant des pièges de dépistage, vous pouvez réagir dès le début de l'infestation.
Identification:
L'identification précise de l'espèce d'aleurode est particulièrement importante si l'on considère que l'aleurode du tabac (Bemisia tabaci) répond à une stratégie de lutte antiparasitaire distincte de celle qui convient à l'aleurode des serres (Trialeurodes vaporariorum).
- L'article "La force des guêpes parasites : un guide de lutte efficace contre les aleurodes" creuse davantage le point précédent. Il examine les différentes approches au biocontrôle en fonction de l'espèce d'aleurode détectée.
Les aleurodes passent par six stades de développement, le premier stade étant la nymphe mobile et le quatrième stade larvaire étant la pupe.
Voici les différences entre l'aleurode des serres et l'aleurode Bemisia:
Aleurode des serres
- Déposition des œufs au sommet des plantes; les œufs deviennent bruns ou noirs au bout de quelques jours.
- Quatrième stade de développement (pupe): enveloppe ovoïde et blanchâtre avec fils cireux.
- Adulte: taille plus grande, d'aspect plus blanc et de forme triangulaire vue d'en haut.
Aleurode Bemisia (l'aleurode du tabac)
- Déposition des œufs sur toute la plante; les œufs sont d'abord vert jaunâtre, puis deviennent bruns après quelques jours.
- Quatrième stade de développement (pupe): forme plate, translucide ou jaunâtre avec l'œil rouge de l'adulte visible.
- Adulte: taille plus petite, couleur plus jaune, forme plus allongée vue d'en haut avec une séparation nette entre les ailes.
Dommages causés par les aleurodes
Les aleurodes ont une incidence sur le rendement économique, directement en raison des dommages subis par la plante ainsi qu'indirectement en raison de la transmission des phytovirus quand le ravageur se nourrit.
On peut distinguer quatre grands types de dommages subis par les plantes:
- Alimentation de la sève des plantes — Les aleurodes se nourrissent du phloème, ce qui signifie qu'ils se nourrissent directement du tissu végétal responsable du mouvement des photosynthétats (les produits résultant de la photosynthèse) sous la forme de sucres simples tels que le saccharose. Ce type d'alimentation réduit directement la croissance et le rendement de la plante en lui sapant l'énergie dont elle a besoin pour se développer.
- Transmission des virus — Les aleurodes, Bemisia en particulier, risquent de transmettre plusieurs virus ayant une incidence significative sur le rendement et la qualité. Bemisia est le principal vecteur du virus TYLCV (Tomato Yellow Leaf-Curl Virus), l'un des virus les plus dévastateurs pour les cultures de tomates. L'aleurode des serres est le principal vecteur du virus de la pseudo-jaunisse de la betterave dans les cultures de concombre sous serre.
- Maturation irrégulière des fruits — En raison de l'activité alimentaire des nymphes, Bemisia provoque un désordre physiologique chez les plantes. Les fruits semblent normaux à l'extérieur, mais les tissus internes risquent de s'avérer blancs, durs et non mûrs.
- Accumulation de miellat — Les aleurodes se nourrissent de sucres simples, mais certains d'entre eux sont difficiles à digérer. Ils les sécrètent donc sous forme de miellat qui tombe sur les feuilles sur lesquelles ils s'alimentent. Les conséquences sont les suivantes:
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- Effet esthétique — Le miellat crée une brillance visible et donne une texture collante à la surface de la plante et de ses fruits. L'effet diminue l'attrait visuel de la culture, notamment chez les plantes ornementales (poinsettias) et les légumes (tomates, aubergines ou poivrons).
- Contamination — Tout peut adhérer au miellat, y compris les aleurodes eux-mêmes. Des problèmes de contamination peuvent en résulter, en particulier pour des cultures comme le cannabis.
- Fumagine noire — En second lieu, ces moississures se développent sur le miellat excrété sur les feuilles et ils réduisent la photosynthèse et la transpiration.
Une approche multidimensionnelle
Le piégeage de masse
Suspendez 2 000 petits pièges/ha. Répartissez les pièges en damier sur l'ensemble de la culture ou installez du ruban collant jaune le long de chaque rangée. L'objectif est de piéger le plus grand nombre possible d'aleurodes adultes. Ainsi, vous réduisez le nombre d'œufs et la circulation des aleurodes dans l'espace de culture.
- Adaptez le taux de piégeage de masse pour Bemisia. Utilisez deux bandes de ruban par rangée spécifiquement pour les infestations de Bemisia sur les tomates. Il faut les positionner stratégiquement, l'un entre les plantes et l'autre au-dessus du couvert de celles-ci.
Les parasitoïdes sont des auxiliaires essentiels dans la lutte complexe contre les aleurodes. Ils sont spécialisés pour parasiter les larves d'aleurodes et se nourrissent également de l'hôte. Une bonne compréhension de leurs caractéristiques et un déploiement stratégique sont essentiels à l'efficacité des mesures antiparasitaires. Deux parasitoïdes clés, En-Strip (Encarsia formosa) et Ercal (Eretmocerus eremicus), jouent des rôles distincts à cet égard.
En-Strip (Encarsia formosa)
- Identification — La femelle adulte se distingue par sa tête noire et son abdomen jaune. Le mâle, rarement visible, est légèrement plus grand et entièrement noir à l'exception des ailes transparentes.
- Parasitisme — Les larves d'aleurodes aux stades L3-L4 sont ciblées; l'insecte préfère se nourrir de l'hôte au stade L2.
- Déposition des œufs — Un seul œuf est déposé dans chaque larve hôte.
- Stade nymphal — Dans les 14 à 21 jours (environ 3 semaines) après avoir été parasitée, la nymphe prend une couleur noire ou brune.
- Sensibilité à la température — Efficacité d'action à des températures plus basses par rapport à E. eremicus.
- Distribution — L'insecte parcourt la culture au hasard à la recherche des infestations.
- Identification — Les femelles sont de couleur jaune-citron pâle avec des yeux verts et sont dotées d'antennes en forme de massue. Les mâles ont des antennes plus longues et coudées, et sont de couleur brun jaunâtre.
- Parasitisme — Les larves d'aleurodes L2/L3 sont la cible primaire; l'insecte se nourrit également de l'hôte.
- Déposition des œufs — Les œufs sont déposés sous les larves d'aleurodes, pénétrant le corps dans le quatrième stade larvaire.
- Cycle biologique — La durée de vie est plus courte que celle de E. formosa, mais les œufs sont déposés plus rapidement.
- Sensibilité à la température — Développement à des températures plus élevées que E. formosa.
L'article «La force des guêpes parasites : un guide de lutte efficace contre les aleurodes» vous guide à travers les différentes méthodes de biocontrôle à base d'auxiliaires qui parasitent les aleurodes et se nourrissent de l'hôte. Les deux comportements sont particulièrement importants en fonction du type d'aleurode auquel vous faites face.
Acariens prédateurs
Les acariens prédateurs, soit Limonica (Amblydromalus limonicus) et Swirski (Amblyseius swirskii), jouent un rôle essentiel pour lutter contre les aleurodes en ciblant les œufs et les stades larvaires. (C'est notamment le cas pour les cultures de poinsettias, de gerberas et de concombres.)
Limonica (Amblydromalus limonicus)
- Alimentation préférée — Les acariens consomment les œufs et les larves d'aleurodes, avec une préférence pour les œufs récemment déposés.
- Limites — L'utilisation est déconseillée pour le traitement des tomates en raison de la présence de poils sur les feuilles.
Swirski (Amblyseius swirskii)
- Alimentation préférée — Les acariens consomment les œufs et les larves d'aleurodes, avec une préférence pour les œufs récemment déposés.
- Limites — L'utilisation est déconseillée pour le traitement des tomates en raison de la présence de poils sur les feuilles.
Remarque — Bien qu'ils se montrent très efficaces pour le traitement de la plupart des cultures, il est impératif de prendre note (une fois de plus) des limites de l'utilisation des acariens prédateurs en culture de tomates. Les poils sur les feuilles de tomate empêchent les acariens de circuler en raison des trichomes et des sucres acyles qui s'y trouvent. Pour le traitement des tomates, recourez plutôt aux champignons entomopathogènes.
Champignons entomopathogènes
Mycotal, couramment connu comme Lecanicillium muscarium (V6), constitue un puissant agent de lutte contre les aleurodes (notamment en culture de tomates). Ce champignon entomopathogène, qui infecte les larves, les nymphes et les adultes, incarne l'approche multidimensionnelle.
- Mode d'action — Il agit au contact en pénétrant l'épiderme de l'insecte et en créant une obstruction mécanique des voies respiratoires.
- Effet — Il épuise les réserves, perturbe le fonctionnement des organes et déclenche la production de protéines particulières dans le corps de l'insecte.
- Symptômes — Les premiers signes de l'infection des aleurodes sont visibles 7 à 10 jours (environ 1 semaine et demie) après le traitement.
- Immunité des œufs — Mycotal n'a aucune incidence sur les œufs d'aleurode.
- Sensibilité à la température — L'infection est plus marquée lorsque le taux d'humidité relative est élevé, et elle touche aussi bien les pupes que les adultes.
Conseil : À partir du moment où le taux de parasitisme des aleurodes atteint 80 % en culture de tomates, pulvérisez Mycotal ou Beauvaria bassiana (un autre type de champignon entomopathogène, B. bassiana agit de la même manière que Mycotal) sur les plantes. Les champignons entomopathogènes infectent les aleurodes adultes et larvaires non parasités, mais pas les pupes parasitées et endurcies. Les pupes parasitées étant «momifiées», leur enveloppe dure les protège des champignons et leur permet de se développer normalement au bout de quelques jours.
Astuce : Vous pouvez traiter sélectivement une infestation d'aleurodes des serres en pulvérisant les champignons entomopathogènes sur les têtes des tomates afin d'éliminer la plupart des adultes. Les parasitoïdes interviennent plus bas dans la culture, là où se trouvent les aleurodes aux stades L3/L4.
Conseil : N'introduisez pas les champignons entomopathogènes au début d'un programme de lutte antiparasitaire à base d'agents parasitoïdes (quand les niveaux de parasitisme ne dépassent pas 20 %). Les parasitoïdes subiront à ce stade des effets néfastes du traitement.
Autres méthodes de biocontrôle
Insectes prédateurs généralistes : Chrysopa (la chrysope verte), Thripor (la punaise anthocoride), Aphidalia 100
Les insectes prédateurs ci-dessus sont connus pour se nourrir d'aleurodes de temps en temps, mais ils contribuent rarement de manière significative à la lutte antiparasitaire intégrée contre les aleurodes. En effet, elles préfèrent d'autres sources de nourriture.
- Les coccinelles (Aphidalia bipunctata) — préfère les pucerons
- Chrysopa (Chrysoperla carnea) — préfère les pucerons
- Orius (Orius insidiosus) — préfère les thrips
Delphastus catalinae
- Cette petite coccinelle se nourrit exclusivement d'aleurodes. C'est pourquoi elle est surtout employée pour le traitement curatif (le maintien de cet auxiliaire de culture dépend d'une forte infestation d'aleurodes).
- Les aleurodes de tous les stades de développement sont consommés, mais cet agent de biocontrôle préfère les stades les plus jeunes.
- Ce prédateur peut toutefois s'avérer inefficace, car il n'est pas adepte à la recherche de nourriture. Il ne se nourrit d'aleurodes adultes et larvaires que lorsqu'ils entrent en contact avec eux. En cas de manque de nourriture à proximité, cet agent de biocontrôle meurt plutôt que de quitter la plante à la recherche d'une population de proies à densité plus élevée.
- Produit inefficace pour le traitement des cultures de tomates en raison de la présence de poils sur les feuilles.
Dicyphus hesperus
- Un agent de biocontrôle reconnu comme traitement efficace pour la culture de tomates. Cependant, cette espèce se reproduit (principalement) dans les deux ou trois tiers inférieurs de la plante. Par conséquent, elle a du mal à s'établir dans cette culture en raison des pratiques d'effeuillage.
- Lorsque la population est importante, l'insecte risque de piquer les tissus mésophiles de la plante (les tissus internes de la feuille), ce qui pourrait abîmer les fruits.
- Un auxiliaire nécessitant une abondance de proies pour se reproduire avec succès.
- Espèce non recommandée pour la culture du gerbera.
Résumé de l'approche multidimensionnelle
Pièges collants en plaques et en ruban - On détecte (presque toujours) les aleurodes sur les pièges collants en plaque/ruban bien avant de les apercevoir dans la culture. En installant les pièges collants dans la culture au moment de la plantation et en les surveillant toutes les semaines, on peut réagir rapidement dès l'apparition des premiers aleurodes. Les pièges collants retardent aussi considérablement l'établissement d'une population d'aleurodes (un excellent outil pour le piégeage de masse), car l'élimination des adultes réduit la déposition d'œufs dans la culture.
Acariens prédateurs – Un outil essentiel pour lutter contre les œufs/jeune larves d'aleurode dans de nombreuses cultures. Ils sont particulièrement utiles pour traiter les populations de l'aleurode Bemisia. Contrairement aux parasitoïdes, les acariens prédateurs sont des prédateurs généralistes.
Guêpes parasitoïdes – Des insectes qui parasitent les larves d'aleurode. Cet article présente les parasitoïdes en détail et explique pourquoi ils sont si importants pour un programme de lutte antiparasitaire intégrée contre les aleurodes - «La force des guêpes parasitoïdes : un guide de lutte efficace contre les aleurodes dans les cultures sous serre et les cultures ornementales».
Champignons entomopathogènes – Un traitement efficace contre les aleurodes larvaires, nymphaux et adultes. Ils constituent d'excellents outils pour les producteurs de tomates, car les acariens prédateurs ne survivent pas longtemps dans cette culture
Conclusion
Bien que divers agents de biocontrôle soient prometteurs pour la lutte contre les aleurodes, on doit examiner attentivement leurs caractéristiques, leurs limites et leur compatibilité avec les cultures en questi